Et sinon le stress, c'est jusqu'à quand ?...

Publié le 8 Mars 2013

Ma première partie de vie professionnelle aura été consacrée à un boulot de stress. Stress du client, stress des prestataires, stress du patron, stress des rendus, stress des réunions de prospection, stress de créativité, stress du timing, bref : mon boulot consistait à absorber le stress de tout le monde pour essayer d'en extraire quelque chose de bien, de beau, et de fini en temps et en heure. Que les hôtels soient bookés ou non, que les avions soient disponibles ou pas , que les prestataires techniques soient au rendez-vous ou en galère de matériel, que les artistes soient là ou leurs instruments finalement bloqués en douane, que les conditions météos chamboulent tous les plans initialement prévus ou pas, que les menus soient respectés ou la bouffe dégueulasse, que activités sportives soient calées ou non, que les invitations soient créées et envoyées à temps ou non, que les rooming-list soient bouclées ou le surbooking délirant, que les bus soient en nombre suffisants ou pas, que les réceptifs locaux soient disponibles ou déjà overbookés par 10 autres événements, que les lieux d'exception privatisables soient trouvés ou encore en recherche, que les guides culturels soient au rendez-vous ou pas, que les powerpoint comme base de présentation des réunions plénières soient finis ou en cours d'écriture, que les intervenants soient coachés ou encore parasités par leur stress, les mises en scène finies ou encore dans leurs balbutiements, les décors terminés ou toujours en cours de conception, une seule chose était sûre : le 12 janvier à 12 heures débarquaient 300 commerciaux du client Tartanpion qui nous avait confié 400 000 euros de budget trois mois plus tôt pour l'organisation d'un séminaire de 3 jours.... et qui voulait en avoir pour son argent, le bougre.

Au bout de 12 ans d'activité, lassée par l'énergie et le temps consacrés à mon boulot en comparaison avec la finalité de ce job, exténuée par mon investissement personnel mis en balance avec ma quête de sens, le verdict est tombé : un burn-out par KO, 3 mois d'arrêt, un bilan de compétences m'amenant à m'essayer (trop tard) à la vie de free-lance pour temporiser mon investissement personnel, un déménagement, un bébé, et une décision reconversion professionnelle.

Bilan au bout de trois ans d'études : ma quête de sens est satisfaite. Ma faim de cohérence entre valeurs personnelles et valeurs professionnelles, rassasiée. Ma satisfaction d'être au chevet d'un patient soulagé, de le voir sourire ou me prendre la main, à son comble.

Mais mon stress, toujours présent. Plus que jamais, même. Car l'objet de mes préoccupations n'est plus un dossier, mais un patient. En souffrance de surcroît. Et qui, dans l'interaction qui se joue entre lui et moi, me renvoie des choses... et inversement.

Aujourd'hui, que je le veuille ou non, je dois à nouveau composer avec le stress du patient, le stress des familles, le stress des équipes, le stress des prestataires de santé, le stress de l'institution. Je dois m'assurer que les 15 patients du secteur soient bien tous pris en charge dans la matinée, les prises de sang effectuées, les toilettes assurées, les pansements refaits, les prescriptions vérifiées, les médicaments administrés, l'éducation thérapeutique réalisée, les rendez-vous médicaux pris, les visites médicales accompagnées, les transmissions rédigées, les relèves effectuées, les entrées et sorties organisées, les familles canalisées, les sonnettes éteintes, les relations d'aide assurées... Et, au milieu de tout ça, mon stress, ce vieux copain, géré et canalisé. Sous peine d'imploser.

En pleine rédaction de mon mémoire de fin d'études, en plein cheminement personnel vers l'infirmière que je voudrais être et qui tâtonne avec la réalité que lui propose le système de soins actuel, en pleine maturation professionnelle et personnelle dans ce statut de stagiaire d'autant plus infantilisant que la position de PPB (Petit Poussin Balbutiant) est délicate à 36 ans, en pleine digestion de tous les concepts inculqués par gavage depuis trois ans et qu'on nous demande à présent d'intégrer à notre manière afin de nous construire notre propre identité soignante, je réalise que mon bon vieux stress a tout le loisir de se développer sournoisement, doucement mais sûrement, de prendre une place de plus en plus importante pour venir me chatouiller de plus en plus souvent et se rappeler à mon bon vieux souvenir. D'autant plus qu'à nouveau, j'ai un chrono en tête. Celui des 4 mois qui me séparent du diplôme, de la délivrance pour certains, et du début des emmerdes pour d'autres.

Bilan des courses : c'est le langage que je connais, c'est le langage que j'ai toujours connu (les révisions à l'arrache, le boulot en urgence, la politique de la dernière minute, les projets tellement ambitieux qu'ils en deviennent limite suicidaires, les orientations professionnelles tout sauf cadrées et ronronnantes, les 3 journées à boucler en 1, les décisions cruciales à prendre pour le jour-même...), mais est-il salutaire pour autant ?

Je n'ai de cesse de lire des essais sur les risques de maltraitance du soignant en perte de sens, les risques du burn-out du soignant en manque de limites pro-perso, et au coeur de ces problématiques, mon vieux copain et meilleur ennemi semble encore et toujours se payer la part belle et sortir en tête de tous les facteurs favorisant ces déviances dangereuses...

Beaucoup d'infirmières me disent que le stress est le dur lot de tout stagiaire qui explique grandement la dureté de cette formation. Beaucoup me disent qu'une fois diplômée, je devrais vivre les choses bien différemment.

Mais une fois diplômée, je vais forcément me retrouver dans une autre forme de stress, celle de la jeune diplômée qui ne peut plus se réfugier derrière quelqu'un d'autre qu'elle même, celle de la "jeune" infirmière qui subit de plein fouet l'impatience des patients, la méfiance des anciennes, l'intransigeance des cadres, l'exaspération des médecins, alors quoi ? Qu'en sera-t-il de la confrontation entre mes bonnes résolutions et mon vieux compagnon de toujours ?...

Et si mon stress était tel qu'il en devenait à nouveau totalement invalidant dans ma pratique quotidienne ? Si mon stress prenait un jour le dessus au point de me rendre imperméable aux ressentis et aux besoins de l'Autre ? Si le stress m'empêchait un jour de garder la distance et la tête suffisamment froide pour juger des limites à ne pas franchir et de l'investissement au-delà duquel ne pas aller ?

Il n'y a qu'en y allant que je le saurai.... Mais j'ai comme-qui-dirait la vague, très vague sensation qu'on ne résout pas ses questions existentielles en tentant de les enterrer mais bien au contraire, en retournant à leurs origines pour mieux les dompter ...

Rédigé par Cécile

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L
Oups! <br /> Je disais que je pense la même chose! Il faut essayer d' utiliser le stress d' une forme positive
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L
Je pens e co
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